Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l’analyse de la preuve ne révèle pas la commission d’une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR).
L’analyse portait sur l’événement survenu à Repentigny le 1er août 2021 entourant le décès d’un homme.
L’examen du rapport d’enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d’évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d’infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 1er août 2021, à 7 h 33, un appel est fait au service 9-1-1 par une femme, concernant un homme en détresse. La femme explique au répartiteur que l’homme ne dort plus la nuit et qu’il voit des gens qui n’existent pas. Elle ajoute qu’il a un couteau sur lui et refuse de le lui remettre. La femme mentionne aux services d’urgence qu’elle craint que l’homme lui fasse du mal à elle ou à lui-même.
À 7 h 44, deux agents du SPVR arrivent à la résidence de l’homme. Quelques minutes plus tard, deux autres agents les rejoignent. À l’arrivée des premiers agents, l’homme se trouve à l’extérieur de sa résidence. Il est accompagné d’un proche et d’une amie. Les agents constatent que l’homme a un couteau à la main et qu’il se dirige tranquillement vers eux.
Un agent initie les contacts avec l’homme. Il lui demande à plusieurs reprises de déposer son couteau au sol, en l’assurant qu’il est là pour l’aider. Les deux personnes qui se trouvent encore près de l’homme tentent aussi de le convaincre de poser son couteau.
À 7 h 54, un cinquième agent se joint à ses collègues avec son arme à impulsion électrique (AIE). Il montre à l’homme son AIE et en fait une démonstration en activant les embouts, afin que l’homme puisse voir le fonctionnement de l’appareil. Il encourage verbalement l’homme à déposer son couteau. Pendant près de quinze minutes, les agents parlent calmement à l’homme afin qu’il dépose son couteau et s’éloigne de celui-ci. L’homme dépose son couteau à plusieurs reprises sans jamais s’en éloigner et en le reprenant dans ses mains dans les secondes ou les minutes suivantes.
À 8 h 00, l’homme dépose son couteau au sol. Il le reprend sans avertissement et s’élance en courant vers les agents qui se trouvent à environ cinq mètres de lui. Deux agents atteignent l’homme avec leur arme à feu respective. Un autre agent déploie son AIE au même moment.
Les ambulanciers, déjà sur place, commencent les manœuvres de réanimation. L’homme est admis à l’hôpital où son décès est constaté à 8 h 41.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d’avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L’article 25(1) accorde une protection à l’agent de la paix employant la force dans le cadre de l’application ou l’exécution de la loi, pourvu qu’il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu’il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s’agir, notamment, d’une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu’elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L’article 25(3) précise qu’un policier peut, s’il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s’il croit que cela est nécessaire, afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n’est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l’appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu’ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l’intervention policière était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d’assurer, dès les premiers instants jusqu’à la fin de la séquence de tirs, la sécurité des citoyens sous leur protection ainsi que leur propre sécurité.
Il importe de préciser que les événements ont été filmés par un des ambulanciers qui se trouvaient sur place et que ce dernier disposait d’un champ de vision pratiquement exempt d’obstacle. Les versions des témoins impliqués correspondent essentiellement aux images et aux paroles enregistrées. La vidéo captée par l’ambulancier et qui montre l’ensemble de l’intervention des policiers a été analysée par la procureure.
La situation à laquelle ont fait face les agents était dynamique et devait faire l’objet d’une réévaluation constante. Quelques moments avant que les coups de feu soient tirés, tout comme c’était le cas depuis le début de leur intervention, les agents tentent de convaincre l’homme de déposer son couteau et de s’en éloigner. Quatre agents sont très près les uns des autres et se trouvent face à l’homme. Lorsque celui-ci s’élance, il le fait sans hésitation et sans préavis. Il court tout droit en direction des agents positionnés devant lui. Il a son couteau à la main droite, la lame pointée vers l’avant et il court et saute par-dessus un court muret pour se rendre aux agents. Il est à environ cinq mètres des agents lorsqu’il commence à courir et il atterrit à moins d’un mètre des agents après que les coups de feu l’aient atteint.
Considérant le danger particulièrement imminent auquel ils faisaient face, l’homme étant armé et refusant d’obtempérer à de nombreuses reprises aux ordres, chacun des deux policiers impliqués avait des motifs raisonnables d’estimer que la force appliquée à l’endroit de l’homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort et que l’usage de leur arme à feu était le seul moyen de mettre fin à cette menace.
Conséquemment, le DPCP est d’avis que l’emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L’analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d’une infraction criminelle par les policiers du SPVR impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l’État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l’intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l’opportunité d’entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3 . En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d’innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l’exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d’ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n’est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu’un acte criminel a été commis et de déterminer s’il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d’intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d’accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s’appuie sur des lignes directrices .