En plus de la disparition de territoires agricoles et de la dépendance à l’automobile, les changements climatiques et la perte de biodiversité sont deux autres enjeux majeurs qu’il est essentiel de considérer pour un aménagement du territoire responsable. Pour les changements climatiques, nous devons nous y adapter; pour la biodiversité, nous devons la protéger. Les deux vont de pair.
Le Québec fait déjà face à des défis socio-économiques et environnementaux dont les effets risquent fort d’être exacerbés par les changements climatiques. À titre d’exemple, le dézonage et l’agrandissement des périmètres d’urbanisation prévus dans le nouveau schéma d’aménagement de la MRC de Montcalm (Lanaudière) vont à l’encontre de la protection de la biodiversité et des mesures d’adaptation aux changements climatiques.
La nouvelle zone industrielle de 30 ha et la nouvelle aire d’affectation résidentielle de 183 ha, dont 135 ha sont désormais accessibles aux promoteurs désireux d’y faire du lotissement, sont situées au sein de milieux naturels d’intérêt écologique. Dans le cadre réglementaire actuel, cette désignation ne constitue malheureusement pas un motif de refus lors de l’analyse, mais l’effet sur le morcellement du territoire et sur le maintien de la biodiversité ont des conséquences bien réelles. En effet, le morcellement accéléré dans le sud de Lanaudière a entraîné une raréfaction des milieux naturels; par conséquent, les fragments d’habitat qui restent dans le paysage revêtent une importance cruciale pour la connectivité écologique et le déplacement des espèces végétales et animales. C’est encore plus vrai dans un contexte de changements climatiques, au moment où il faut faciliter les mouvements sud-nord des espèces et non les contrecarrer ! Dans ce contexte, considérant le choix des sites d’implantation de ces lotissements à venir dans la MRC de Montcalm, il est légitime d’être passablement surpris de l’étiquette « écoresponsable » accolée au projet.
Une étude états-unienne a démontré il y a quelques années l’impact négatif sur la faune et la flore de tels développements domiciliaires en milieu naturel, et ce, quelle qu’en soit leur densité.
Le maintien de la biodiversité est primordial, car celle-ci assure le bon fonctionnement des écosystèmes. Dans un contexte de lutte contre les changements climatiques et d’adaptation à leurs impacts, il est essentiel de conserver le plus de milieux naturels possible. Plusieurs études scientifiques soulignent qu’un seuil de 30 % de milieux naturels doit être maintenu à l’échelle des paysages si l’on veut y maintenir les populations animales et végétales. La MRC de Montcalm est déjà sous le seuil critique de 30 %. Poursuivre le lotissement résidentiel du territoire mettra à rude épreuve la biodiversité.
Il existe des solutions. Par exemple, il serait sage de maintenir ou de consolider un réseau régional de noyaux de conservation et de corridors de manière à permettre la libre circulation des espèces au rythme des changements climatiques futurs. Or, bonne nouvelle, il reste encore suffisamment de superficies naturelles pour créer un tel réseau dans le sud-ouest de Lanaudière. Il suffit de se retrousser les manches.
Vers un aménagement responsable en temps de changements climatiques
L’adaptation aux changements climatiques doit se faire à l’échelle locale, notamment par les municipalités et les collectivités. L’intégration des changements climatiques dans la planification compte parmi les stratégies d’adaptation les plus recommandées pour la saine gestion de la biodiversité. L’aménagement du territoire pourra être considéré durable non seulement s’il permet de protéger nos terres agricoles et de réduire l’utilisation de l’automobile, mais aussi s’il tient compte des enjeux de conservation de la biodiversité et du maintien des services écosystémiques, lesquels permettent de diminuer nos vulnérabilités sociales, économiques et environnementales face aux changements climatiques.
Nous espérons que le grand dialogue proposé par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, André Laforest, permettra d’apporter toute la rigueur et la cohérence nécessaires pour un aménagement du territoire réellement au service d’un développement vert, prospère et solidaire de nos collectivités.
D’ici là, nous invitons les MRC à faire appel aux ressources en place, telles que les conseils régionaux de l’environnement (CRE), les organismes de bassin versant (OBV), Vivre en Ville et d’autres organisations qui possèdent des expertises complémentaires leur permettant d’assurer un développement véritablement digne d’être qualifié d’écoresponsable.
Andréanne Paris, co-responsable du comité Biodiversité et aires protégées du RNCREQ
Alexandre Turgeon, responsable du comité Aménagement du RNCREQ
Martin Vaillancourt, directeur général du RNCREQ
Vicky Violette, directrice générale du Conseil régional de l’environnement de Lanaudière