Les programmes de dépistage et d’intervention destinés aux nouveaux parents devraient accorder une plus grande place aux pères, selon une étude récemment publiée dans la revue Research on Child and Adolescent Psychopathology. L’équipe de recherche de l’Université Laval, dirigée par la professeure Célia Matte-Gagné de l’École de psychologie, a constaté que la présence de symptômes dépressifs chez le père est associée à une hausse du risque de problèmes socioaffectifs chez l’enfant. En revanche, la sensibilité paternelle est liée à une réduction de ce risque.
L’étude a été menée auprès de 140 familles québécoises ayant un enfant de moins de 6 mois au moment du recrutement. Les familles ont été suivies jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 2 ans, avec des visites à 1 an, 1,5 an et 2 ans. Lors de ces rencontres, chaque parent a été interrogé individuellement pour recueillir ses perceptions des problèmes socioaffectifs de son enfant.
« Par exemple, nous demandions aux parents si leur enfant était particulièrement inquiet, agité, agressif ou malheureux. Nous avons fait une moyenne des réponses du père et de la mère pour établir un score de problèmes socioaffectifs pour chaque enfant », explique la professeure Matte-Gagné.
Les symptômes dépressifs de chaque parent ont été évalués à l’aide d’un questionnaire reconnu. La sensibilité parentale a été observée pendant 45 minutes à domicile. « La sensibilité est la capacité de percevoir et d’interpréter correctement les signaux des enfants, et d’y répondre rapidement, chaleureusement et adéquatement », souligne la professeure.
Les résultats montrent que 8 % des pères et 12 % des mères présentaient des symptômes dépressifs d’intensité pouvant mener à un diagnostic de dépression. Les enfants de parents présentant plus de symptômes dépressifs étaient plus à risque de développer des problèmes socioaffectifs. « Cette contribution prédictive était présente, que les symptômes dépressifs touchent la mère, le père ou les deux parents », précise-t-elle. La contribution des symptômes dépressifs de chaque parent est unique et cumulative.
Bien que l’effet protecteur de la sensibilité maternelle soit bien documenté, celle du père l’est moins. Les résultats montrent que la sensibilité du père a également un effet protecteur en présence de symptômes dépressifs maternels. Plus le père est sensible, moins l’enfant est à risque de présenter des difficultés socioaffectives lorsque la maman ne va pas bien.
L’étude souligne l’importance du dépistage précoce des problèmes dépressifs chez les mères, mais aussi chez les pères. Actuellement, les politiques publiques et les programmes de dépistage et d’intervention périnatale ciblent presque exclusivement les mères. Il y a une lacune dans l’accompagnement des pères pendant les premières années de vie de l’enfant. Il faudrait, selon la professeure, leur accorder plus de place pour viser le développement socioaffectif optimal de l’enfant.
Les autres signataires de l’étude sont Frédéric Thériault-Couture et George Tarabulsy, de l’Université Laval, et Annie Bernier, de l’Université de Montréal.